Un article sur la nutrition en réa est sorti dans le NEJM au mois d’Août. Il s’agit de l’étude EPaNIC. Je vous la fait courte : l’administration précoce (dès l’entrée) de nutrition parentérale en réanimation était délétère dans leur étude.
Ainsi malgré plusieurs études qui démontraient par le passé le rôle néfaste d’un déficit calorique en début de réanimation, la solution ne semble pas être une nutrition parentérale « HYPERprécoce ».
Néanmoins d’autres équipes s’apprêtent à publier des travaux n’allant pas dans le même sens. L’équipe suisse de C. Pichard a produits plusieurs abstracts dans es congrès de nutrition récents (ESPEN et JFN). Ils ont mené un protocole à mon sens plus proche de la réalité clinique. Ils ont inclus des patients qui ne recevaient pas leur cible calorique (définie par calorimétrie ou 25-30 kcal/kg/j) par voie entérale à J3. Ils ont alors randomisé les patients entre poursuite de la nutrition entérale seule (NE) ou complémentation par de la parentérale (NPC). Ils n’ont pas « laissé tomber » leur groupe NE car leur patient recevaient 73% +/-27% de leur besoin calorique. Conformément à ce qui était prévisible/souhaité le groupe NPC recevaient 100% +/- 16% des objectifs. La conclusion est que les patients du groupe NPC étaient (très modérement) moins sujets aux infections. Il y a par contre un plus grand intérêt en terme de sevrage respiratoire avec une diminution de la ventilation mécanique de presque une journée. Un biais m’a sauté aux yeux : pas d’aveugle possible ici… le médecin serait il plus enclin à extuber le patient du groupe parentérale 😉 ?
Les deux études me paraissent être complémentaire pour nous suggérer de ne pas nous jeter sur la parentérale à la phase très précoce en réanimation (3-4 jours). En effet à cette période la production endogène de glucose et la lipolyse sont très importants limitant clairement l’intérêt d’un apport glucido-lipidique. Je retiens personnellement de ne pas démarrer aujourd’hui une nutrition parentérale complémentaire ou exclusive avant une semaine chez les patients antérieurement normaux. Je serais probablement plus vigilant pour démarrer une nutrition parentérale complémentaire chez des patients déséquilibrés surtout les dénutris mais probablement aussi les obèses.
Je me pose toujours la question des apports protéiques précoce, peut-être une piste de recherche à suivre…
Enfin cette nouvelle joute scientifique est une excellente illustration au fait qu’il faut savoir attendre avant de modifier ses pratiques à cause de la littérature scientifique.
P.S. il existe aussi récemment une étude rétrospective de l’équipe de Heyland qui ne trouve pas d’intérêt à la supplémentation avec une parentérale. Je trouve les résultats suisses très très modérés
P.P.S. lors de sa présentation orale le Dr Thibault qui a présenté l’étude dont il est question ici n’a pas oublié de remercier un industriel produisant de la parentérale qui a largement soutenu son travail en Suisse…