^^ CLICK BAIT ALERT ^^
J’aime l’idée de toujours avoir une explication quand on prescrit un truc.
Je n’aime pas quand l’interne répond « c’est l’habitude ici » ou « parce que le Dr X fait ça » à ma question sur la justification de sa prescription. (Attention, une habitude de service peut être quelque chose de bien, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit).
Depuis quelque temps, je lis sur l’albumine (comme soluté de remplissage). Franchement je n’ai jamais été à l’aise pour choisir entre albumine à 4% et albumine à 20%. Il y a bien sûr quelques situations « claires » en hépatologie. Mais l’hépatologie « médicale » n’est pas tellement de mon ressort. Je verse (ahaha) plutôt dans le périopératoire.
Alors pourquoi prescrire de l’albumine en péri-opératoire ? Recueil de réponses-memes :
- pour mettre autre chose quand on a déjà passé plein de cristalloïdes
- pour remonter l’albuminémie
- parce qu’on a plus de Voluven
- pour garder l’eau dans les vaisseaux
- pour éponger les œdèmes vers les vaisseaux
- pour mettre moins de volume de remplissage
- pour boucher les trous dans le glycocalyx
- pour transporter les médicaments (furosémide)
- comme soluté lors d’une plasmaphérèse
En dehors d’une infection de liquide d’ascite ou d’une hematemese, pourquoi prescrivez vous de l’albumine ? Merci
— nfkb (@nfkb) June 11, 2020
Je sais que je peux être jugé présomptueux rien que pour oser supposer des erreurs de raisonnement dans l’espace public. Franchement, je n’ai pas du tout la réponse à la question « dans quelles situations l’albumine va améliorer le pronostic de mon patient en périopératoire ? » mais je pense que prudence est mère de sureté et que lorsqu’on n’est loin de maitriser ce qu’on prescrit, il faut s’arrêter et aborder le problème différemment.
Une bonne façon d’aborder le problème c’est de lire, encore et encore et de garder un œil critique sur ce que nous faisons. Personnellement, j’achetais bien les idées sur le pouvoir oncotique, malheureusement, lorsqu’on lit sur l’équation modifiée de Starling expliquée et « popularisée » par le Dr Thomas Woodcock (voir aussi ici et là, attention c’est velu), on se rend compte que ça ne tient plus la route : les phénomènes d’absorption dans la majorité des capillaires ne sont que très transitoires.
L’albumine baisse dans l’inflammation, il y a probablement des mécanismes adaptatifs en jeu comme rendre disponible des acides aminés (pour le système immunitaire ?), pour de la régulation acido-basique ? Quand est-ce qu’on bascule dans le pathologique qui mérite l’intervention ?
Ensuite, si les colloïdes et l’albumine ont un pouvoir expansif plus élevé que les cristalloïdes, ça serait probablement en pompant de la flotte au détriment du glycocalyx, contribuant ainsi à une plus grande dilution de l’hémoglobine, pas glop.
Il y a aussi des signaux qui laissent penser que l’albumine peut-être bénéfique chez certains patients. Peut-être certains chocs septiques ? Mais aujourd’hui, je pense qu’il y a beaucoup de remplissage par albumine qui répondent juste à notre envie de *faire quelque chose* sans que ce quelque chose soit clairement positif pour le patient. Et si l’albumine permettait de sauver des vies chez des patients choc septique, j’en doute quand il s’agit d’une administration au bloc au cours d’une longue chirurgie… et le coût d’une solution d’albumine est quand même d’une cinquantaine d’euros !! (100 ml SAC 20% ou 500 ml SAD 4% c’est kif-kif chez moi en terme de prix).
En conclusion, je me vois assez bien freiner encore plus ma prescription de ces solutés dans les mois à venir. A moins que je pige (ou qu’on m’explique, cher lecteur, ne te prive pas de me donner ton avis en commentaire !) de nouveaux trucs pour améliorer le pronostic des patients.
Bonne semaine à tous !
P.S. pour équilibrer ce post voici un article récent conseillé par @rombarthelemy sur l’albumine, le glycocalyx et la microcirculation. (bon l’article est sponso par un équivalent espagnol de LFB : Grifols) https://annalsofintensivecare.springeropen.com/articles/10.1186/s13613-020-00697-1