J’ai écrit un petit texte après la compétition que j’avais en objectif numéro 1 cette année. L’idée était de décrire un peu la complexité et donc la fragilité d’une préparation où j’essaye de faire attention à tout. Même si ça parait dingo, il a beaucoup de vrai dans tout ça. Les copains du podcast Jogging Bonito décrivent souvent les athlètes qui suivent des plans d’entrainement sous le terme d’athlètos. J’ai donc écrit « La dure vie d’un athlètos ». Évidemment, ça me démangeait de partager ça à l’occasion d’un nouvel épisode de Jogging Bonito. Nous avons enregistré mi -décembre. J’ai eu un peu de mal à expliquer mon message en début d’émission mais la discussion qui a suivie était plus dans la lignée de ce que je voulais exprimer. On a parlé plans d’entrainement, discipline, angoisses existentielles et performances. Merci encore aux bonitos pour leur accueil.
D’abord, j’aime pas votre terme athlètos. Ça sonne comme Mentos. Et les Mentos c’est dégueulasse. Point.
Vous, les gens de gauche, malgré votre bienveillance, vous savez quand même bien manier l’ostracisme. Je comprends mieux que SOS Racisme soit né sous Mitterrand tiens.
Complexe la vie d’un athlète, prenez l’agenda. Faut réussir à tout caser. Et je bosse moi monsieur. Alors je me lève tôt, parfois je rogne un peu sur mon temps de travailleur pour terminer un entrainement ; mais puisque l’activité physique me rend plus efficace, je trouve que les compteurs sont à jour avec cette feignasse de Micheline.
Il faut donc caser plyométrie, étirement, endurance, seuil, explosif, VO2max, recul, régénération, repos, siestes, repas instagramables au fil de la semaine. Un vrai casse-tête. Mais j’y arrive moi ! Bon, faut faire des arbitrages hein, j’peux pas dire que ça me passionne d’aller voir le petit faire des lancers francs au basket (quoique je peux faire du Compex dans les gradins) Y’en a qui peine sur l’organisation. Pour moi ça fait parti du game. Le plus drôle c’est que je connais un prof qui se plaint de son emploi du temps. Un prof, vous vous rendez compte ?! Est-ce que je me plains moi ?
Le boulot, j’y vais en vélo. Je n’ai pas de voiture, ça m’évite une hésitation. Les hésitations c’est mauvais, ça bouffe de l’énergie vitale. Je n’ai qu’une seule direction à prendre, celle que me dicte ma volonté de fer.
Mais le vélotaf c’est une arme à double tranchant, encore une. Oui vous faites des kilomètres en plus et c’est peut être bon pour les muscles, mais quel stress !! On risque plus la chute et des blessures gravent sur un court trajet de vingt minutes qu’en faisant du BASE-jump. Et la blessure, quand on s’entraîne dur c’est la bête noire. Y’a des blessures qui sont presque des médailles pour les plus persévérants qui tels de petits David Goggins en font toujours plus, mais y’a aussi la pire des blessures : celle qui survient A CAUSE d’un autre. L’automobiliste qui vous pousse dans le fossé, le cyclo du dimanche qui tourne à droite sans prévenir. Et hop une clavicule à la poubelle.
Me voilà arrivé au travail, travail bien utile pour me payer les dernière Vaporfly à 275 euros. Je prends tous les gains marginaux qui existent. Faut il que je fasse un Cofidis, je le fais. Persévérant je vous dis.
La pause repas arrive vers midi, je vais pouvoir aller courir plutôt que de glander. Je reste quand même attentif à gober une bonne rasade de protéines en poudre dans la fenêtre métabolique idéale. Des protéines. De l’eau. Du sucres. Voilà tout ce dont j’ai besoin pour vivre. Je prends quand même aussi du cordyceps, du PQQ, du magnésium, des oméga-3 en plus ; ça ne fait pas de mal comme on dit. Et pour le mal, quand même une louche de paracétamol toutes les six heures, saupoudré parfois d’un anti-inflammatoire voir d’un petit coup de corticoïdes quand j’arrive à convaincre mon docteur que je tousse vraiment trop. Ça va….! tout le monde en prend des produits, y’a qu’à regarder les chronos des meilleurs, c’est pas normal tout ça, j’suis pas naïf…
Je somnole un peu après le repas, la sieste c’est excellent pour la récup, faut juste que je me fasse pas capter par mon boss. Pour ça l’idéal est d’aller me planquer dans un coin secret. Tout le monde a ses petits secrets.
De retour à la maison, je me galvanise avec un bon 52 minutes de vidéos motivationnelles sur You Tube avant d’aller lifter. Oui la PPG c’est ptêt de la merde, mais la musculation ciblée en occlusion vasculaire, non. Faudra que je pense à caser les étirements aussi tiens, pas trop proche de l’entrainement mais pas trop loin non plus. Ça tombe bien j’avais pas fini cette dernière vidéo de Génial Runner (je m’étais endormi avant la fin de l’épisode de 9 minutes…)
Demain, j’ai des séances difficiles de prévu, mon coach sait que je les redoute,. J’en fais toujours toute une affaire, un peu comme mes premières dictées en CE1 qui cristallisaient tous les regards extérieurs en une seule note. De même, demain ma vie va se concentrer sur le chiffre de puissance pendant l’effort de 20 minutes que je dois faire à fond sur mon home-trainer. Quand j’y pense, c’est une belle régression, peut être qu’en jouant sérieusement, en prenant au sérieux le jeu de l’entrainement, je retombe dans une forme infantile de moi même.
Je retrouve encore ce syndrome du premier de classe quand je réfléchis à ce que je vais écrire comme compte-rendu d’entraînement à mon coach. Vous allez trouver ça bizarre mais je passe une bonne partie de mes séances d’entrainement à analyser comment elles se passent, à mémoriser les bons et les mauvais moments pour les retranscrire après. Le bon coach ne met pas de pression sur un amateur mais il le galvanise.
La course approche, c’est l’heure du tapering. Normalement c’est bon l’affûtage, on n’en fout plus une et on se sent fort. On finit l’entraînement dès qu’on sent le premier effort pointer le bout de son nez. Mais c’est aussi le moment où j’ai peur de la moindre faute, le moindre pet coincé devient un cancer du colon, la paranoïa m’envahit, je fais des cauchemars de crevaison. Je vais mettre le paquet sur le sauna et me faire masser, j’espère que ça va me détendre. Je suis mon pire ennemi. Le stress, le cortisol et les catécholamines me détraquent.
La course de rang A est là. Perso, comme c’est l’entrainement que j’aime le plus (ou alors c’est un petit mensonge à soi même pour alléger la pression ?), la course n’est qu’une occasion de se gaver de gels à la caféine pour sublimer ce que j’ai acquis à l’entrainement . La course n’est bizarrement pas mon truc. En fait, Je ne suis pas un vrai athlètos, je suis un lambda, un mec de milieu de classement (anticipation de résultat banal pour alléger la pression).
J’ai fait des erreurs, mais le chrono est bon. Le travail paye. Le chrono c’est le juge, il ne permet pas de se mentir à soi même. La justice du temps reste quand même humaine… bon… elle a quand même des limites floues quand on pense à certaines tricheries, mais cela ne nous regarde pas !
Oublier. Il va falloir que j’apprenne à oublier le stress et les hautes doses d’entraînement. Bien oublier pour mieux recommencer. Oublier sans tout effacer pour éviter les erreurs du passé. Conserver une routine tout en s’ajustant. Se remettre en question en gardant confiance. C’est aussi l’heure de vivre l’éloignement avec le Coach. Comme un cliché, je reste sur le quai de la gare. Le bon sens et la raison s’en vont dans une autre direction. Fini le support quotidien avec mes ruminations mentales. Faut que je réapprenne à me gérer. Finalement, j’aspire à me donner du mou. Mais pour combien de temps ? Deux jours ? Une semaine. Faut que je m’inscrire pour les courses de la saison prochaine, ça part si vite.
Je suis perdu.
Une réponse sur « La dure vie d’un athlètos »
hi hi =)