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Iatrogénie avec les béta-bloquants à l’induction d’une anesthésie générale

Je suis régulièrement embêté par des bradycardies chez les patients qui ont pris leur bêta-bloquant le jour de leur opération. J’observe souvent une bradycardie associée à une PA basse au décours de l’induction. Souvent l’atropine améliore la FC et la PA en ayant probablement augmenté le débit cardiaque. Ça m’embête d’autant plus qu’il s’agit majoritairement d’un mésusage des bêta-bloquants prescrit pour une HTA (poster rappel ici) ou alors pour une indication qui n’est pas en lien direct avec la morbidité cardiaque (migraine, HTP.) En anesthésie, on nous apprend à suivre les recommandations et à les prescrire le matin d’une intervention. J’appelle de mes vœux à une réflexion sur le sujet pour une médecine plus personnalisée.

Voici quelques exemples :

https://twitter.com/nfkb/status/1572503069828710400

https://twitter.com/nfkb/status/1617863990008483840

Tout ceci est peut-être favorisé par le fait que nous utilisons majoritairement du remifentanil comme morphinique. Néanmoins, ma question reste valable ! J’ai une collection de cas cliniques où l’hémodynamique des patients (via le proxy macro de leur PA) s’est améliorée après 1 mg d’atropine. Je pense qu’on pourrait éviter certaines injections en ne donnant pas les bêta-bloquants ou en diminuant leur posologie le matin de l’intervention. En effet, en matière de risque cardio-vasculaire, je pense que ce qui fait en grande partie l’efficacité des bêta-bloquants est la modulation neuro-humorale chronique qu’ils produisent. De plus, les essais qui ont eu pour objectif de contrôler le rythme cardiaque (pour diminuer consommation myocardique en O2 ?) en aigu ont été marqué par un pronostic péjoratif pour les patients (à cause des conséquences hémodynamiques notamment).

Ainsi, je pense que la SFAR pourrait nous offrir plus de granularité dans ses recommandations. En effet, dans le texte de 2015, la SFAR recommande de poursuivre les bêta-bloquants prescrits le jour de l’intervention.  Dans l’HTA je pense que ça mérite une réflexion plus individuelle et il devrait y voir une discussion sur l’usage extra-myocardique des bêta-bloquants. De plus, je pense qu’il y a des interactions avec les drogues anesthésiques qu’il convient de prendre en compte.

Sur les conseils du Dr Romain Barthélémy, j’ai contacté mes collègues de pharmacologie pour signaler cette affaire. Dans leurs investigations bibliographiques on trouve des références qui vont dans mon sens, d’autres moins. J’ai pu apprendre à la lecture de leurs recherches que les femmes étaient probablement encore plus exposées au risque d’hypotention à l’induction anesthésique (volume de distribution ?). Prudence est de mise si la PA est basse à l’arrivée au bloc ! A propos de biblio, je vous glisse l’extrait de la revue Cochrane sur le sujet à propos des chirurgies non cardiaques :

En point de discussion important, je dois souligner que l’usage répandu de la noradrénaline à petites doses intervient aussi dans la discussion. J’ai été un avocat de son utilisation mais je dois bien dire que son utilisation « réflexe »/symptomatique fait parfois oublier l’observation d’autres paramètres (ventilation, volémie, Hb, hyperpression abdominale). Revenir à quelques basiques de temps en temps est important et l’utilisation de l’éphédrine est peut être particulièrement indiqué dans la situation que je décris ici.

Donc voilà, après une vieille diatribe contre un usage trop large des béta-bloquants chez des patients aigus en post-opératoires (surtout si anémie), j’aimerais savoir ce que vous pensez de ce problème de prémédication et d’induction anesthésique. Merci.

 

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