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anesthésie-réanimation cas clinique

Un problème classique

Contexte :

  • Hôpital universitaire
  • Chirurgie ambulatoire simple, pas d’ALR possible
  • Dans la salle opératoire, l’équipe d’anesthésie est composée d’une IADE expérimentée et d’une interne sur la fin du cursus. Je supervise l’interne. Chirurgien PU-PH proche de ma génération, pointu sur son domaine.
  • J’étais en repos la veille. En charge d’ un « gros bloc » stable dans la salle voisine. Personnel en nombre. Ambiance nominale. Petit-déjeuner riche en protéines, peu de yoyo glycémie/insuline 😉

Voici ce que j’ai fait

  • J’ai prévenu le collègue senior avec l’arrière pensée qu’elle prenne le relais de cette salle pendant l’heure du déjeuner
  • J’ai prévenu le chirurgien responsable, l’interne/IADE et l’IBODE en charge
  • Bloc décalé à H+6 petit déjeuner (dernier tour du chirurgien en pratique) Un niveau de complexité supplémentaire aurait pu apparaitre selon les contraintes du chirurgien ou d’occupation des salles opératoires. On eu de la chance ici. (Et pas de problème de PCR COVID ;+)
  • Avec possibilité de faire le bloc à H+6 sans contraindre personne, je suis assez serein. Néanmoins, j’ai vu la situation comme non nominale donc mon niveau de vigilance est augmenté ET une je vois une opportunité pédagogique de se préparer face à un risque d’inhalation
  • J’ai demandé de poser une perf au patient en salle avec 250 mg d’érythromycine (zéro traitement, zéro raison d’avoir une hypoK, zéro acte syncopal, etc. -j’avais déjà vu ce patient en consultation pour une précédente intervention similaire-). J’ai été critiqué sur Twitter pour ça, dont acte, je comprends le point de vue. Mon biais est d’avoir travaillé dans des services qui en prescrivent beaucoup sans avoir vu d’EI. L’absence d’urgences pèse contre son utilisation ici mais pensez y en situation à risque d’inhalation.
  • Discussions/explications avec le patient. (Mon souhait était juste de savoir ce qui s’est passé, je n’ai fait aucune remontrance, je n’ai pas parlé d’une augmentation du risque puisque on va avoir 6 heure de jeune de toute façon. C’est mon taf ici d’être un peu plus vigilant sans stresser le patient pour transférer ma contrainte. En plus je pense que les AS/IDE ont déjà du le sermonner, avoir un médecin anesthésiste serein lors du premier contact au bloc me parait plus sein qu’un grognon qui engueule. Il sera tant de ré-insister à la sortie du patient)
  • Décision faire geste opératoire.
  • Condition intubation vérifiée (Cormack 2 la fois précédente)
  • Si je savais faire, je préconiserais une écho de l’antre gastrique
  • Briefing pré induction quant aux modalités de mobilisation si régurgitation (dire clairement de quel côté on tourne le patient). Aide soignant en salle pour aider à tourner le patient si nécessaire. Chacun sait ce qu’il a à faire.
  • Aspiration chirurgicale montée sur aspiration de la machine d’anesthésie
  • Bonne préoxygénation
  • Induction profonde (4 mg/kg de propofol, remifentanil cible à 9 ng/ml, lidocaine IV, vasopresseur à portée de main, curares à portée de main). (Résultats étude remicrush à suivre sur le sujet de l’intubation et risque d’inhalation + cet article du gazier à voir)
  • pas de ventilation (mais ça c’est routinier si pas de critère de difficulté prévisible)
  • Décision rapide de curarisation si intubation difficile
  • Intubation ok avec BURP
  • Aspiration gastrique après intubation

Voilà c’est tout simple, mais je pense que cette stratégie est un bon compromis pour le patient et les médecins responsables versus annuler ou utiliser un curare.

Rien de sorcier ici mais je veux insister sur la communication pro active. Pensez que vous devez passer un message activement. La conversation de café c’est souvent utile mais passer un message en étant conscient de l’importance de ce qu’on fait c’est plus pro je pense. Si vous êtes interne, mettez vous le plus possible dans la peau du médecin responsable ! Quel est le scénario catastrophe ? Quel est mon plan B ? Est-ce que tout est prêt pour le plan A et pour le plan B ? Si vous faites régulièrement cet exercice mental je pense que vous augmenterez votre sérénité et le pronostic des patients. Faire du bon boulot d’interne c’est aussi faire ce jeu mental à mon sens, ça n’est pas seulement être efficace pour enchaîner les blocs… ce qui me parait être trop souvent l’objectif ressenti lorsqu’on fait travailler un interne en autonomie.

Si vous avez une idée différente, je vous remercie de la partager en commentaire.

 

13 réponses sur « Un problème classique »

Salut Rémi,

C’est une situation qui pose question mais on peut voir les choses d’une autre façon.
Perso, je vais voir le patient, je lui explique que le jeûne a pour but d’assurer sa sécurité et que si c’est 2h) en lui faisant comprendre que j’accepte une réponse différente pour assurer sa sécurité, tout ça devant témoin si possible et bien consigné dans la vpa.
Ensuite c’est 6h ou c’est reporté quelque soient les contraintes organisationnelles. Et je maintiens ma stratégie initiale : quelle qu’elle soit (ML par exemple).
Le patient est responsable, l’explication est claire.
Si je ne lui fais pas confiance sur cet horaire, je ne fais confiance à aucun patient car chacun dit ce qu’il veut et je prends dans ce cas toutes les mesures de prévention pour tous les patients. Lui a déjà eu l’honnêteté de dire qu’il n’a pas suivi les consignes, alors que je suis persuadé qu’un nombre non négligeable de patients ne l’ont pas.
J’ai suivi les recos et si je dois passer devant M. le juge => le dossier est carré : aléa ou le patient a menti.
D’autant plus que si tu as un quelconque effet indésirable sur une mesure de prévention non nécessaire et que tu ne fais pas pour tout les patients, on peut aussi largement te le reprocher.
Ce n’est que mon avis 😉

Voili voilou

Bah ce n’est pas spécialement l’érythromycine qui me gène mais le principe de ne pas faire comme d’habitude sachant les critères suffisants sont déclarés comme respectés : il a 6h de jeûne.
Vider l’estomac après IOT : si tu le fais de principe (c’est mon cas), c’est ok.
Ne pas ventiler avant intubation : si tu l’appliques de principe, c’est ok.
Etc… (Concernant l’utilisation du rémifentanil, c’est un autre débat).
Mais pour moi, il n’y pas de raison spécifique de faire une crush pour ce patient.
Le principal pour moi est de s’assurer de l’implication du patient dans sa propre sécurité et de sa responsabilisation afin qu’il donne les vraies informations.

À la base, il n’a pas menti, il n’a « juste » pas respecté les consignes. On peut donc, a priori et selon les infos que tu nous as données, lui faire confiance comme à tout autre patient.

Y’a très longtemps que je n’ai pas fait d’anesthésie au bloc (je suis un renégat passé de l’autre coté de la Force : la MIR :-). Je ne suis donc pas au fait des dernières reco sur l’estomac plein. Cependant ton cas m’interpelle :
– soit les 6 heures suffisent pour assurer la vidange gastrique, et alors ton hyper-préparation à une éventuelle inhalation (erythro, écho gastrique, aide soignant en salle au cas où) me semble totalement superfétatoire. Pour quoi ne pas le faire à tous les autres patients à jeun ?
– soit ce délai ne peut être respecté, et dans ce cas retour en chambre sans discussion possible s’il s’agit d’une AG non urgente. Pas envie de m’expliquer devant un juge à 3 ans de la retraite.

Deux points où je suis d’accord avec toi :
– Inutile de stresser ce patient ou de lui faire la morale, c’est le premier puni
– OK pour les morphiniques avant une AG à estomac plein : le risque de nausées est bien moins important que le hoquet ou l’effort de vomissement chez un patient insuffisamment endormi. Je pratique ça en réa, et c’est que du bonheur.
Dernier point mais on s’éloigne du sujet : j’exècre la célocurine. En 30 ans, 3 chocs dramatiques suivis de décès ou d’infirmité permanente grave. Ce produit devrait être retiré de la pharmacopée depuis l’arrivée des derniers curares.

Votre commentaire concluent les remarques que je reçois sur ce cas 🙂

En fait, il y a plusieurs facettes à ma prise en charge. Le premier c’est la communication et la préparation à un problème. Ce que je voulais montrer avec mes traitements « en plus » des six heures du jeune c’était qu’on sortait d’une situation nominale et qu’il fallait relever sa vigilance. j’y voyais aussi l’occasion de faire de la pédagogie pour mon interne quant à une situation d’inhalation possible. C’est ceinture et bretelles je suis d’accord. Je ne suis pas assez au fait de la littérature sur la vidange gastrique et j’ai été marqué par des situations en pédiatrie où le stress avait eu tendance à bloquer le transit plus qu’à l’accélérer. J’ai préféré un excès de prudence. En situation juridique je suis probablement critiquable mais un EI suite à un excès de prudence me semble plus facile à défendre que la négligence.

Enfin, vous insistez ce sur quoi tous les anests expérimentés à qui j’en ai parlé sont d’accord : il faut des patients qui dorment profondément pour limiter le risque d’inhalation.

Malheureusement, en cas d’EIG (choc anaphylactique à l’érythromycine par exemple), ta pratique n’est pas défendable en expertise, car tout à fait contraire aux recommandations. Un jeûne de 6h pour une chirurgie programmée est un jeûne respecté, point à la ligne (tu peux bien sûr l’allonger, avec du bon sens, chez l’ATCD de sleeve/bypass, mais il n’y a aucune reco formelle là-dessus).
Dans mon centre (ESPIC), les patients de l’après-midi ont le droit de petit-déjeuner le matin si leur programme est prévu l’après-midi, et dans le cadre de notre activité proctologique, c’est masque laryngé à gogo, et ça se passe très bien (en respectant parfaitement les recos).
Par contre, je suis d’accord pour l’utilisation d’opioïdes pour la crush induction (sufenta pour moi).

merci de participer (tardivement) à cette discussion

C’est intéressant parce qu’avec 2 ans de plus, beaucoup de patients difficiles récemment, je suis plus enclin à enterrer érythromycine comme tant d’entre vous l’ont fait sur Twitter ou ailleurs. J’ai été biaisé par mes années auprès de Lewis-Santy qui recevaient systématiquement de l’érythro. Less is more.

D’un autre côté, c’est l’aspect communication qui m’intéressait dans ce billet et notamment de rester en confiance avec le patient plutôt que l’engueuler.

Pour m’aider à comprendre le recul des collègues, vous avec finit quand votre DES ?
PS curieux email 😉

J’ai terminé mon DES il y a un peu plus de 6 ans. Tout d’abord 1 année en CHU (anesthésie pédiatrique + mater) et depuis novembre 2016 en ESPIC parisien polyvalent (2 ans d’assistanat puis équivalent PH). J’ai parallèlement validé un DIU d’expertise médicale. Je te rassure, il est tout à fait normal (voire rassurant) d’évoluer dans sa pratique, au fur et à mesure de l’expérience acquise 🙂

Hello,
ça l’air super les ESPIC genre Saint Joseph à Paris.
C’est marrant d’avoir choisi tôt de faire un DU d’expertise médicale. Ca a la réputation d’être difficile comme formation, comment avez vous vécu ça ? merci

Je suis en effet à St-Jo ! 🙂
La formation du DU d’expertise médicale est exigeante, dans le sens où c’est du droit, donc un raisonnement totalement différent du notre qui est scientifique. Le plus dur était de retourner sur les bancs de la fac… je n’avais plus la patience de rester assis plusieurs heures à suivre tous ces cours 😀
Mais j’ai énormément appris pour ma pratique quotidienne, je ne regrette absolument pas

Désolé pour la réponse tardive, je n’étais pas revenu depuis sur ton blog depuis…
En réalité, je ne pratique pas d’expertises, car cela demande beaucoup d’investissement (analyse du dossier qui contient facilement plus de 100 pages au total, puis mise en relation avec l’avocat et l’équipe médicale, puis l’expertise elle-même qui peut avoir lieu loin du domicile, puis rédaction du compte-rendu, etc)
J’ai fait ce DU au début dans cette optique (plutôt pour bosser pour les assureurs) mais depuis j’ai d’autres plans en tête (je cherche à m’installer en libéral) donc je consacre plutôt mon temps off aux remplas 🙂

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