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Fer et sport

Grand classique de la discussion entre sportifs :

« – je suis allé chez mon docteur pour un check-up et il m’a trouvé un taux de fer bas… – ah ouais ? – ben oui, il dit que c’est probablement parce que je bois trop de café, du coup je ne fixe pas le fer »

Le fer est associé dans notre imaginaire à la force, Popeye est inévitablement dans un coin de notre tête lorsqu’on pense fer et alimentation. Du coup, on imagine bien qu’il faut avoir du fer à gogo pour être un bon sportif. Il en découle que c’est souvent analysé dans les prises de sang demandés par les sportifs et/ou prescrites par les médecins à des sportifs. Tout le monde ou presque connait la participation du fer au transport de l’oxygène sur l’hémoglobine et ça parait donc évident qu’il faut surveiller ça.

C’est vrai que les sportifs ont souvent des taux bas de fer. Il pourrait y avoir jusqu’à 1/3 des femmes et 1/10ème des hommes pratiquant des sports d’endurance qui manqueraient de fer. Les dames sont beaucoup plus sujettes à la carence en fer du fait des menstruations et aussi peut-être d’une plus grande susceptibilité aux régimes végétariens et aux restrictions caloriques.

Le métabolisme du fer c’est un peu touffu et la biologie pour l’explorer comprend pleins de subtilités. Ce qu’il faudrait retenir et qu’il est intéressant de réaliser le bilan martial dans des conditions « standardisées ». De préférence le matin, à jeun (on peut boire de l’eau pour maintenir une hydratation normale), en ayant un peu levé le pied sur le sport les jours avant et en n’ayant pas fait de grosse séance la veille, surtout s’il y a du travail musculaire excentrique. Et ça ne sert à rien de rechercher une carence en fer dans votre organisme en période de maladie aigüe.

Sur la prise de sang, il convient alors d’analyser d’une part l’hémoglobine et d’autre part le couple ferritine/coefficient de saturation de la sidérophilline. (Les chiffres peuvent varier selon les propositions de différents experts)

Si votre hémoglobine est normale, alors il y a très peu de risque que le fer impacte votre pratique sportive, ou alors très à la marge… On parlera de déficit en fer si on a l’association d’une ferritine à moins de 35 µg/L et un CSS > 16%. A ce stade, les réserves de fer sont limitées.

Si on creuse encore les dettes en fer, on peut glisser vers la carence martiale avec une baisse de la régénération des globules rouges. Là, la ferritine est en dessous de 20 et le CSS < 16%

Je ne trouve pas la littérature scientifique très convaincante pour montrer que ces stades impacteraient significativement la performance sportive.

A un stade plus avancé, il y a une anémie par carence martiale, l’hémoglobine est basse avec une ferritine souvent < 12 et un CSS < 16. Dans cette situation il est très probable que vos performances soient diminuées.

D’où vient cette baisse du fer ? Plusieurs facteurs, les principaux :

  • les menstruations
  • destruction mécanique des globules rouges par l’activité physique (l’exemple de l’hémolyse induite en course à pied est classique, avec mes dernières lectures il semblerait que ça ne soit pas aussi important que je ne pensais), avec des pertes dans les selles et les urines, les viscères étant bien secoués en course à pied par exemple. De plus il peut exister des micro ischémies digestives qui créent des petits saignotements.
  • pertes dans la sueur
  • régime alimentaire (plus de régime végétarien qu’avant ?)
  • les apports élevés en thé, cafés, céréales complètes (mais les fibres c’est bon pour la santé n’arrêtez pas tout !)
  • faiblesse des apports alimentaires, le sportif ne mange pas assez, du coup il est sur la limite en matière d’apports en fer par rapport à ses besoins et les autres facteurs contribuent à créer une dette
  • l’inflammation induite par le sport et la libération de fer par la destruction des globules rouges augmentent la sécrétion de l’hepcidine (une hormone découverte pas un français dans les années 2000). L’hepcidine est une hormone qui protège des excès de fer « libre » dans l’organisme en limitant son absorption intestinale notamment. L’hepcidine monte dans les trois heures après un effort sportif
  • la diminution de certaines hormones sexuelles avec des pratiques très intensives peuvent influencer négativement les taux de fer notamment en favorisant la sécrétion d’hepcidine

L’hepcidine a en plus des variations de sécrétions au fil de la journée, elle serait ainsi la plus basse le matin, il existerait donc une fenêtre idéale pour consommer des aliments riche en fer : le matin au petit déjeuner avec peu de céréales complètes et de café, compliqué non ? Voilà de quoi se prendre à nouveau la tête en tant qu’athlète ! Si en plus on est dans la vague de s’entrainer avec des réserves pauvres en glycogène qui génèrent encore un peu plus d’inflammation et d’hepcidine, voilà encore une couche de complexité au millefeuille-de-tous-les-trucs-à-avoir-en-tête !

Pour les sportifs pros, l’entraînement en altitude est quasi obligatoire, ils le font tous ! Il faut le faire pour ne pas se sentir moins bien préparé que les autres ! là aussi il faut élever son niveau de vigilance quant aux réserves de fer. Des fédérations vérifient le couple ferritine/CSS avant d’envoyer leurs athlètes en altitude car des travaux ont montré qu’il y a peut être une partie des athlètes qui ne tiraient pas bénéfice de l’altitude parce qu’ils n’étaient pas en capacité de produire de nouveaux globules rouges.

Si vous manquez véritablement de fer, avec une anémie, je pense qu’il convient de prendre en charge médicalement avec un suivi régulier. Il est dommage de tomber dans un cercle vicieux de fatigue et de sous performance. Il faut alors augmenter sa prise alimentaire de fer, lever le pied sur le plan sportif et être conseillé médicalement pour la prise de fer en cachet. Peut être qu’il est préférable de prendre le fer un jour sur deux (à cause de la sécrétion d’hepcidine induite par la prise d’un cachet) pour éviter les effets indésirables digestifs.

Enfin, lorsqu’on n’arrive pas à supplémenter par la bouche, on dispose aujourd’hui de médicaments injectables qui apportent du fer en s’affranchissant des blocages liés à l’hepcidine. Je ne vois pas de raison d’en arriver là chez des athlètes amateurs. Chez les pros il y a sans doute aussi des abus d’une surmédicalisation et de pensées magiques autour du fer, avec des enquêtes ayant montré des taux hallucinant de réserves en fer apportés coûte que coûte…. le fer n’est pas anodin, il est est peut être impliqué dans la physiopathologie de maladies sévères, ne jouez pas avec ça !

Cet article m’a été « inspiré » par un billet d’Alex Hutchinson sur Outside magazine, ce monsieur écrit vraiment très bien, je vous conseille de le suivre !

Même si j’adore les commentaires, gardez vous de partager avec moi vos prises de sang dans les commentaires, ça ne sera pas constructif , merci 🙂

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