Je vais la faire courte pour le style (la mise en abîme, ah ah) et par pudeur : j’ai abandonné après 150 km le parcours de Liège-Bastogne-Liège.
La raison principale : je n’avais pas envie, je n’avais pas de mental et j’ai cédé à cette petite voix qui me soufflait de plier les gaules.
Pourquoi je n’avais pas envie ? Je ne sais pas trop. Les principales raisons sont vraisemblablement le froid, la solitude et le manque de motivation face à cette épreuve. Autour de l’épreuve, je n’étais pas dans un super feeling psychologique, au démarrage j’étais mi figue mi raisin, j’ai vite eu mal dans le bas du dos, je pense que j’étais crispé et la longue descente vers La Roche en Ardenne du 66 au 75ème m’a déglingué (frissons +++).
J’ai souffert mentalement de mon arrêt, j’ai ressenti de la honte. Comme quoi, le regard des autres reste important pour moi.
(j’ai pris cette vidéo juste après avoir acheté mon billet de train à Vesalme pour me souvenir de l’état dans lequel j’étais, je me suis mis à l’abri du vent et je me suis le plus couvert possible, j’avais mangé correctement, je m’étais plaqué les deux chaufferettes que j’avais sur les jugulaires. J’ai pris cette vidéo pour me souvenir du froid. Pour une fois, il n’y avait pas d’arrière-pensée de publication en prenant ça)
Rapidement, j’essaye d’être constructif, quels enseignements est-ce que j’en tire ? qu’est-ce que j’ai consolidé ?
- Le démarrage doit être doux, il faut vraiment oublier la notion de vitesse pour être facile tant que faire ce peut sur ce genre d’épreuves où je ne connais pas le ratio intensité/durée. A trop flirter avec les limites (relances pour attraper des petits groupes) je finis par les passer. J’avais fait les mêmes erreurs au début du Ronde.
- Je pensais avoir le bon matériel, il y a vraisemblablement des trucs encore optimisables (gants, poids du vélo pour un parcours si difficile, j’ai sous estimé la difficulté du parcours).
- Je renforce mon idée de ne compter que sur moi dans cette configuration et pas sur les groupes à droite à gauche, de toute façon, en triathlon, je suis seul sur mon vélo
- Quand l’envie d’abandonner est là, il faut trouver un refuge et se donner un bon temps de coupure pour ne pas jeter l’éponge impulsivement, je n’ai pas retenu la leçon dispensé par Grégo lors de son premier TVSB.
- Il faut que je me construise une sortie de secours mentale quand je suis en perdition
- Il faut que je me concentre plus sur la course, l’instant présent, se projeter dans les kilomètres à venir m’a achevé
- Je crois que je n’aime pas les si longues sorties vélo, je ressens le plaisir de l’accomplissement mais pas pendant l’épreuve
- Je ne suis pas un solitaire, j’ai besoin de vivre des aventures *entre copains*
- Comme quoi, on peut arriver prêt physiquement et ne pas être dans un bon jour. Ca renforce encore l’idée que le mental joue un rôle très important et ça me fait prendre conscience que c’est finalement un point faible pour moi. Cet abandon me remet les idées en place et me pousse à aborder les choses plus humblement.
Qu’est-ce qui allait bien ?
- La logistique autour de la course (organisation personnelle et de la part des organisateurs)
- J’arrivais à bien manger
- Les jambes, le souffle
- Je suis content de m’être aligné pour palper la difficulté de cette course, c’est rude, ça n’arrête pas de grimper
12 réponses sur « Une courte histoire d’abandon »
Wow. Je crois que créer utile de lire ce billet quand on fait de la Course de fond. Et bien joué le coup de la video, ça évitera certains regrets, peut-être pas tous, mais quand même. 3 réflexions :
Oui, trop se projeter est un problème. Je n’arrive pas à détacher le rapport entre les conditions, notamment climatiques, et le plaisir de participer à une épreuve. Je sais que c’est pas le cas de tous, que les conditions de chien ne rebutent pas tout le monde. Moi, ça joue, c’est plus fort que moi. Et enfin, faudra que tu m’inities. Ça m’attire, même si je ne suis pas prêt à investir vraiment pour le moment.
Hello, oui je trouve qu’en vélo on subit plus les éléments qu’à pied. Et je me sais sensible au froid. Sinon, j’avais déjà une petite idée derrière la tête mais mon avancée dans l’écoute du dernier Jogging Bonito le confirme : voici ton vélo pour les semaines à venir. Je viens de le briquer, il va t’aller comme un gant.
Si tu n’as pas envie tu ne peux pas le faire et ça tient parfois à si peu de choses… big hugs!
Philippe a raison, je crois : faut une grosse volonté (et t’as clairement cette force là) mais s’il n’y a pas un peu d’envie à la base pour la nourrir ça devient exponentiellement difficile à chaque nouveau tracas.
Rien que d’être parti, c’est déjà une victoire !
Et puis j’aime bien ton analyse 🙂
Bravo gars !
Ce qui ne tue pas renforce mon Remi , ces échecs sont aussi très importants. Rebondis et lâche un peu la pression
Je crois que la blessure narcissique n’est qu’une égratignure. Enfin, je devrais plutôt dire qu’il n’y a rien d’abîmer puisque l’égo n’existe pas 😉 oui y’avait un peu trop avec cette deuxième classique dans le même mois.
Moi aussi j’ai abandonné au milieu d’un ultra-trail, au bout de 50km (sur 90km). J’avais fait une nuit blanche pour arriver au départ, bossé la veille, la gourde qui fuyait…
Du coup, lors du ravitaillement avec ma douce et tendre, je me suis posé et je n’ai pas eu envie de repartir.
Au début, la blessure narcissique tout ça, et puis après, elle me montre mon classement : j’avais grimpé de 400 places par rapport au premier checkpoint, je n’étais pas fatigué ni courbaturé les jours suivants, ça s’est globalement bien passé et ça m’a apporté les leçons pour la prochaine fois : bien se reposer avant de partir.
Génial ce billet. Et c’est un chouette constat plein d’honnêteté que tu fais.
Ça t’aidera 🙂
Tu arrives bien à séparer ta pratique et l’influence des autres. Le coup de la vidéo est très bon car on a la mémoire tellement courte et sélective !
Perso il me fait presque un peu peur ce moment où je n’aurais plus envie en course. Je ne suis pas passé loin lors d’un trail (en 2013, l’Ardèche début mai, sous la neige et le vent ça manque de charme…) mais j’ai dû avoir de la chance 😉
Le plaisir de l’accomplissement, c’est un truc bien casse gueule aussi avec lequel il faut flirter. D’ailleurs on doit pouvoir prendre du plaisir en course en se rendant compte de l’accomplissement qui est en train de se produire ! ça doit aider à finir…
Bref, il y a beaucoup de trucs qui me parlent dans ce billet. Il faudrait discuter chaque point autours d’une bière ou en roulant :p
En Vrac:
-Subir les element en vélo se paye cash si tu n’anticipe pas le materiel, une fois le froid installé c’est hard.
-Abandonner pour ne pas se cramer dans une recuperation, et preparer correctement la suite d’une saison, sur des objectifs prioritaire, c’est plutot intelligent: est ce que ce LBL etait ton but de l’année?
-Au retour d’une blessure, dans un autre sport, un entraineur m’a souffle de ne pas trop avoir pitié de moi même…
– J’avais pourtant un bon tiche en merinos, la veste gabba manche longue et une veste de pluie « haut de gamme »
– LBL n’était pas un objectif compétitif, plutôt une aventure, j’ai eu ma dose
– A cette heure matinale, je ne comprends pas trop le sens de ta dernière remarque
Merci d’être passé par içi 🙂 Je pense souvent à toi, surtout quand je passe près de l’avenue Sainte Cécile 🙂
C’est plutôt courageux de ta part de raconter cet abandon alors que le plus souvent les blogs ne mettent en avant que des réussites. Et pour tenter de positiver, je dirais également qu’on apprend souvent plus de ses échecs que de ses réussites.
Sur LBL, je trouve que le parcours est magnifique, mais 270 km et c. 4,000 mètres de dénivelé, c’est digne d’une étape de montagne du Tour de France et ça arrive trop tôt dans la saison. Quand en plus la météo n’est pas là, c’est finalement beaucoup d’efforts pour peu de plaisir. Pour ma part, je me suis toujours limité sur LBL au parcours de 150km et je fais le grand parcours l’été sur deux jours à la cool. Juste une petite remarque : je suppose que la ville où tu a pris le train est Vielsam.
J’en profite également pour te dire que je suis super déçu de ton départ de Jogging Bonito, tu étais mon chroniqueur préféré ! Tu avais toujours les bonnes réparties face à David et Emir, reflétant à chaque fois ce que je pensais au même moment. Vraiment dommage. Reviens 😉
– Oui, le grand parcours annonçait 5300 de D+. Je me suis arrêté à Vielsalm et la montre (barométre) donnait 2300 de D+. Effectivement, je me suis dit que quitte à revenir, le 150 serait bien, j’aime bien les raidillons, s’ils étaient arrivés plus tôt ça m’aurait fait poursuivre je pense. La côte de Saint Roch m’avait fait du bien au moral.
– Quant à JB, je suis flatté, mais mes compères ont bien d’autres qualités podcastiques et sportives que moi, continue d’écouter, c’est un chouette projet à soutenir.