Réveil à 4h00. Je saute du lit, la voix de Jocko Willink en tête.
Je prépare mes affaires. Je vérifie la route. Oui, il y a des trucs que je planifie très bien, d’autres pas. Je fais le malin en me disant que c’est pour rajouter de la souplesse à mon aventure, en ne prévoyant pas trop à l’avance, plus de schémas restent ouverts ! Je découvre ainsi que je dois me garer à l’extérieur d’Anvers car la ville est une zone à basse émission et les plaques d’immatriculations sont scannées pour rentrer dans la ville. Amende à la clé si le véhicule ne répond pas à leurs normes.
Départ de Lille à 5h30 sous un petit crachin. Il fait doux. Je me demande si j’ai bien fait de mettre un cuissard long. Cette période de l’année est capricieuse et en vélo on subit plus la météo qu’à pied.
Première mission pour moi : l’autoroute de nuit. Depuis mon opération des yeux, je ne suis pas à l’aise pour conduire de nuit. Là, ça ira, le trafic est léger, ça se passe bien. Au fil des kilomètres, je joue avec les vitesses des essuie-glaces, vite/lent/vite/lent. Hum. Les véhicules avec des vélos se multiplient et les bus avec leurs énormes remorques forment un pointillé sur le ruban autoroutier.
L’aube peine à fragmenter la chape de stratus. Ah, voilà les panneaux qui me disent de sortir à Zwijghjdghaate. Je trouve facilement le parking extérieur. Il n’y aucun cycliste. Je me demande si je ne me suis pas fait piégé. Moi qui espérais suivre la foule jusqu’au départ… bon il est presque sept heures, je file vers la ville. La route est facile en fait, et il y a évidement une piste cyclable protégée, un tram et des bus pour rejoindre le centre. Sont forts ces belges !
Me voilà donc dans la banlieue d’Anvers en train de rouler à 6h58. Le panneau d’entrée dans la ville me rassure. J’arrive par Blancefloer. Une sorte de dancefloor belgisé. En effet, je vais avoir le droit à un petit tour de piste. En arrivant en ville, je croise la course, je décide donc logiquement de remonter à contre-sens de l’autre côté de l’énorme boulevard pour trouver le départ. Mais la police m’arrête : il y a un long tunnel que je ne peux pas prendre à contre sens. Il faut que je traverse l’Escaut par un passage sous-terrain. Un souterrain, ça se voit moins bien qu’un pont hein. Bon, hop, petit tour de piste pour revenir sur le Blancefloer et je trouve finalement le fameux tunnel Saint Anne.
La récupération du dossard est sur les quais de l’Escaut sous une ancienne halle. Dans la queue, je tombe sur un rennais, je suis très surpris car il n’a pas de drapeau breton visible sur sa tenue. Il a sans doute un tatouage bzh sur la fesse ou un truc dans le genre.
J’attache ma plaque de cadre, et le ciel nous tombe sur la tête. L’averse résonne sur les plaques métalliques de la halle. Y’a pas, je suis là pour ça, j’y vais sans hésiter. Habillé de ma nouvelle veste de pluie. Quand je pense que je l’ai achetée en trois clics alors que l’année dernière j’avais fait milles hypothèses pour finir par la paumer !
Je suis cool au départ. En partant dans les derniers, le peloton est moins nerveux, c’est agréable. Je mets dans la roue d’un couple de britanniques tout de Rapha vêtus. Je me dit qu’il vont rider avec style 😉 (La fille a des mollets comme mes cuisses)
La pluie cesse. La pause technique s’impose. Je vogue de groupe en groupe, facilité par le fait qu’il y a pas mal de groupes qui font l’élastique. Ils foncent, ils s’arrêtent pour s’attendre. Les « Wheelers » me feront le coup jusqu’à la fin. J’essaye de papoter avec des gens. Un flahute me dit que son english is not good, les italiens se plaignent de la météo et les anglais parlent trop vite. Bon. Ca sera un voyage intérieur.
Entre 50 et 60k, je m’agace un peu, j’aimerais prendre de bonnes roues mais ça va trop vite ou trop lentement pour moi. J’essaye de me relaxer mais j’ai envie de me protéger… Les premiers rayons de soleil viendront m’apaiser. Je prendrai les opportunités mais je ne le chercherai plus. Au deuxième ravito, je vide l’eau dans mes pompes et j’enlève mon kway, ça fait du bien.
Je trouve mon rythme. Les premiers pavés arrivent. Les sensations sont mieux que l’année dernière. Finalement, la barre des 100k est franchie. Les premières bosses sont là, ça va être plus varié !
Nous serpentons dans Grammont et on devine au loin le serpentin du Muur. Quelle côte ! Courte mais impressionnante. Quand je repense à Cancellara et Boonen en 2010 il y a plus que de la suspicion.
Au sommet, je suis à 176 de fréquence cardiaque, sans même avoir voulu le faire à fond. Le Muur s’impose à vous.
Ravito rapide, ma première gourde est vide. Beaucoup de monde. Faut faire la queue.
Ensuite, c’est la langueur du début d’après-midi. Plus de gruppetto, que des grappes de 3-4 coureurs. C’est long, ça serpente. On frôle Audenarde et ça repart à l’est. Il faut être patient. Les jambes tournent bien. Maintenant, je me fiche complètement d’être seul ou non. Je me suis dit que rouler seul me rendrait plus fort et que c’était plus en ligne avec ma pratique du triathlon. Vers 150k, j’ai quand même un coup de mou, pas mal de lassitude. Heureusement, l’enfilade de bosses pointe le bout de son nez, ça va m’occuper !
Ah, le ravito avant le Koppenberg ! Comme l’année dernière je n’aime pas trop cette ambiance boom-boom. Je m’assois quand même parce que j’en ai plein les pattes mais juste le temps d’avaler ma gaufre. Je passe au stand de lubrification de chaîne, ça ne peut qu’être un plus avant le Koppenberg !
Le voilà. Je le sais. Juste au bout de cette petite bande cyclable. Hop, tout à gauche, je suis un mec qui a l’air de bien avancer. Mais… mais…
c’est chaud de suivre quelqu’un dans le Koppenberg. Ca s’arrête à droite, ça sert à droite, c’est cool. Mais ça s’arrête aussi à gauche, zigzag minimaliste, cris de bataille, je me déchaîne, et comme l’année dernière je passe tout sur le vélo ! Yes ! Il me restera le Paterberg où faire de même et je pourrais avoir ma cerise sur me gâteau.
Le Koppenberg avalé sur la selle me remplit d’émotions à chaque fois, je ne sais pas pourquoi mais ça déclenche quelque chose en moi.
Ca me regonfle le moral mais juste d’un tout petit cran. Les autres coureurs marquent le coup aussi. On entend les mouches voler dans le Kanarieberg. Moi j’essaye de « neutraliser » les bosses. Pas d’exploit, mais de la régularité. Strava m’indiquera que j’ai quand même souvent fait mieux que l’année dernière.
La route continue de dessiner des entrelacs et je suis content de voir Renaix arriver. Ici je suis à 45 km de Lille, je pourrais presque rentrer à la maison que ça ferait la même distance finale. Je m’assois plus longuement, je me sens m’endormir alors je décide de repartir au plus vite. Il reste cinq bosses, donc trois pas compliquées que je connais. Après, bataille du Kwaremont, guerre du Paterberg et dash to the finish line !
Le Kwaremont me parait plus dur. Plus long surtout. Il est encombré. Pas facile de trouver mon rythme. J’en sors quand même indemne. Ensuite, je me ravitaille. J’avais un souvenir comme quoi le faux plat juste après était plus long mais les jambes avalent ça facilement et ça file vers le Paterberg.
Le Paterberg sera compliqué par une route encombrée d’un énorme 4×4. Mais j’ai la baraka, je me faufile dans un trou de souris et j’ai ma cerise sur le gâteau !
C’est la descente, ça accélère. Sur le plat, ça bombarde sur la nationale flanquée des pistes cyclables. Je pense à la photo de Sagan de l’année dernière.
Un flahute me passe à 35 km/h. Je prends sa roue et nous ferons de super relais jusqu’à ce qu’un groupe nous bloquent sur la cyclable. Se payer le luxe d’un finish « à-la-Pierre » c’est cool !
Ligne passée dans un bon temps avec un parcours plus long. Je suis content.
(côté chiffre, 240 km cette année vs 228 l’année dernière, moyenne à peu près identique en étant moins protégé et FC moyenne 124 vs 127)
Je file dans le centre. Je cherche une friterie mais c’est bondé. A la gare le train pour Anvers part dans quinze minute. Je l’attends là sans repasser par les animations finales.
Dans le train, je pense à Didier qui raconte toujours que le contrôleur les avait upgradés en première classe en les regardant comme des héros. Là, il nous regarde comme des fous et je m’allonge comme un clodo entre les toilettes et le sas à vélo.
Bon, dans le deuxième train de Courtrai à Anvers, nous aurons plus de chance 🙂 Transit relax en première. La gare d’Anvers est belle, je suis impressionné. A sa sortie, je croise trois coureurs, je leur demande s’ils connaissent la route jusqu’au départ. Ils me répondent qu’ils sont allemands et qu’ils ne savent pas où il faut aller. J’avais enregistré la carte dans Google Maps, hop, nous nous orientons. Le temps que je range mon téléphone, ils ont filé. C’est ma journée sans déo.
Je retrouve mon chemin. Anvers est jolie. Hop, re-tunnel et me voilà sur le dancefloor 😉 Une petite frite pour la route sinon j’aurais eu l’impression qu’il me manquait quelque chose. Retour sans encombre à la voiture grâce à la longue cyclable.
Le retour passe plus vite que l’aller. Je sirote de la whey (faut penser à la suite). Lorsque Nostalgie flahute cause en flahute je zappe et je tombe sur Topradio qui passe de la techno hardcore ! vive la Belgique ! j’ai l’impression d’être en 1996 et de bidouiller des mod trackers 🙂
Retour sans encombre. Ca fait presque une journée de 20 heures. 20 heures de petites aventure mise bout à bout. Des aventures avec un petit « a » qui sont le sel de la vie.