Je pense que l’échographie cardiaque est un examen peu rentable pour guider la stratégie anesthésique (versus activité physique du patient). Néanmoins, en médecine périopératoire on est souvent confronté à des résultats d’échographie cardiaque transthoracique. Voici quelques « trucs » que j’ai appris en m’initiant à l’échographie cardiaque :
- oublions un peu la fraction d’éjection. Une FE à 65% chez un patient ne garantit pas du tout que le patient vivra bien les changements de volémie et le remplissage. Les dysfonctions diastoliques peuvent être sous-estimées et le patient peut avoir très peu de marge avant l’œdème pulmonaire. Ainsi lorsque la FE est normale, l’oeil doit immédiatement regarder le flux mitral, le E/e’ et surtout la taille de l’oreillette gauche.
- Il faut se méfier d’une FE élevée chez la personne âgée. Ça traduit souvent un état hyperkinétique pas catholique.
- la taille de l’oreillette gauche est l’hémoglobine glyquée du cœur. Son augmentation traduit une élévation chronique des pressions gauches. Et une élévation chronique des pressions gauches signifie à nouveau que le patient aura moins de réserve face à l’adversité. (Cette remarque n’est pas valable en cas de FA)
- un patient avec une insuffisance mitrale n’aimera pas trop les augmentations de post-charge (HTA, clampages vasculaire)
- un patient avec une insuffisance cardiaque droite importante n’aura pas forcément une mesure de la PAP très élevée en se basant sur l’insuffisance tricuspide. Il s’agit d’une sorte de faux-négatif. Je cite @Fishnip : « En fait le calcul de la PAPs sur la vitesse de l’IT part du postulat que la vitesse max de l’IT ne dépend QUE DE LA PVDS et donc de la PAPs. Dans les situations de défaillance systolique VD, le VD ne génère plus assez de pression VENTRICULAIRE, mais l’hypertension de l’artère PULMONAIRE est belle et bien là. De même un VD hyperkinétique (anémie, fièvre), va générer une IT véloce qui pourra faire croire à une HTAP. L’idée est alors de rapporter la Vmax de l’IT sur l’ITV sous pulmonaire, pour rattraper ces erreurs liées à la sur ou la sous estimation des Pressions pulmonaires par la méthode de l’IT. »
- un patient qui a une coronaropathie peut avoir bien récupéré sur le plan myocardique. Il ne souffre pas forcément d’une « cardiopathie ischémique » traduisant une insuffisance cardiaque. Ça peut sembler être du pinaillage nosologique mais je pense que la précision vaut le coup.
- je suis très dubitatif quant à l’étude de la VCI pour apprécier des variations de volémie : coupe foireuse, polypnée, augmentation de la pression intraabdominale… il faut regarder la veine cave, c’est utile, surtout si on suspecte un problème péricardique mais il faut savoir prendre en compte ses limites. A titre personnel, il n’y a guère que les mesures extrêmes qui influencent ma stratégie thérapeutique.
- J’ai un peu la même réflexion avec l’analyse des rapports E/A et E/e’. Il faut comprendre et mesurer ces rapports mais il me parait très important de ne pas en faire une mesure magique pour gérer le remplissage du fait de nombreux pièges (anémie, valve mitrale anormale, IM, hypokinésie myocardique, etc.)
- une cardiopathie dilatée décompensée peut apprécier la dobutamine, une cardiopathie hypertrophique décompensée aimerait plutôt la noradrénaline (adage simpliste que je soumets à la discussion…)
- dans la même veine, une cardiopathie hypertrophique a tendance à apprécier une post-charge un peu élevée et le remplissage, tandis qu’une cardiopathie dilatée seraient plus heureuse avec une post-charge basse.
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6 réponses sur « Echographie cardiaque & anesthésie générale »
Plein de bonnes questions pour le cardiologue! La dynamique mentale de l’ar nous est peu connue entre effets des drogues et du geste op au cas par cas,la notre peut etre plus simple:pressions,volumes,fonction base,evolution selon nature stress:ischemie,arythmie,hypovolémie etc
1 fe basse sous T craignos le reste ?
Dysfonction diastolique : terrain vieux hta hypertrophie autre ok pour l’og même en fa
2 fe supranormale : patho ok
3 post charge iao encore pire
4 vci ok pour extrêmes seulement image plus technique que l’apparence
5 analyse c ischémique : un livre! Akinésie,ischémie ? Revasc incomplète sténoses moyennes…
6 les rapports pas le débat ici
7 8 dubitatif
Je rajouterai l’extreme difficulté de la cmo :gags dynamiques ++++,
La très faible adaptabilité du rao
Ok pour l’htap il faut le bilan pneumo+++ des mixtes
Merci pour tes commentaires.
Pour l’IAo merci de le préciser, il est vrai que j’en vois très peu. La seule que j’ai vu récemment était suite à une consultation avec un gros souffle qui a aboutit… à une chirurgie d’un anévrysme aortique avant notre opération du nez oO ! https://vine.co/v/MeEYA6hBqbh
Pour les rapports E/A et E/e’ j’insiste car dans l’univers de la médecine périopératoire c’est un peu vu comme le truc magique par les internes d’anesthésie qui essayent de faire un peu d’écho « sur le tas ». C’est bien plus compliqué que ça en a l’air…
Au fond je crois que les anesthésistes font trop de demandes de consultations cardiologiques.
Plusieurs raisons :
1) une part de business #sigh
2) « pour se rassurer » et/ ou « se couvrir » #sigh
3) pour aller plus vite en consultation #sigh
C’est ennuyeux parce que comme tu le dis on n’est pas intéressé par les mêmes trucs.
Mais ce qui me gonfle +++ c’est lorsque je fais une demande précise (genre découverte de rao, ou chir à risque de FA, etc) et qu’on me répond un courrier laconique genre score de Lee = autant, je ne fait pas d’écho et circulez y’a rien à voir. (genre ma secrétaire n’avait pas prévu le temps d’une échographie dans mes créneaux de consults préanesthésiques basiques je ne l’ai donc pas faite)
Enfin, la peur de l’ischémie myocardique aboutit à des tas de consults ou examens inutiles… entre la sténose qui ne sera pas responsable de l’infarctus cf papier de Libby dans le NEJM ( http://web.eng.fiu.edu/~brownmweb/BME3404/Chap%2014-17%20Supplemental%20Material/NEJM%20Acute%20Coronary%20Syndromes.pdf ) et la dangerosité des revascularisations préop je me demande encore pourquoi certains collègues adressent des coronariens stables et bien suivis en consult cardio avant une chirurgie.
En fait il y a vraiment très peu de situations où l’on a besoin d’une échographie avant une anesthésie générale. La clinique suffit souvent à construire sa stratégie anesthésique. Après il y a des situations où l’ETO per op peut être très utile… (chir hépatique par exemple)
Mais, comme je sais faire un peu d’écho, je regarde quand mon feeling me le dicte et je vois parfois des choses qui m’aide, c’est un peu ce que je voulais partager ici et aussi essayer de pousser à creuser la lecture du compte rendu qui ne doit pas se résumer à FE = …
Globalement d’accord, mais quelques commentaires.
L’ITmax ne permet pas d’apprécier correctement la PAPS pour plusieurs raisons :
– l’estimation de l’OD en ETT est une vaste blague, mesurez-là dès que vous avez un KT cave sup
– l’angle du tir doppler est de l’IT est pas toujours bien aligné (et même s’il peut le sembler dans le plan de la coupe, il ne l’est pas forcément dans l’espace) (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19164700 et
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21357375)
– l’équation de Bernoulli simplifiée est … une simplification (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21729905)
Par ailleurs il y a une formulation dans tes propos sur l’HTAP qui entretient de la confusion. Si les PAP sont élevées, il y a une HTAP. Point barre. Par contre pour apprécier la résistance vasculaire pulmonaire il faut intégrer le débit cardiaque dans le raisonnement (en non la seule « fonction systolique » du VD si tenté qu’elle existe) puisque PAPm = Qc x RVP. Donc une résistance élevée peut générée des pressions basses si le débit est bas, et une résistance basse peut générer des pression élevées si le débit est élevé. Mais en aucun cas il ne s’agit de sur- ou sous-estimation des pressions, les pressions sont ce qu’elle sont et sont bien là.
(Et : pour générer des pression élevées il faut avoir un VD musclé, donc une HTAP chronique.)
Quand à l’ITV pulm, elle ne doit pas être très différente de l’ITV sousAo, lesquelles dépendent du débit, mais aussi de la fréquence cardiaque…
Bref quand on me donne un PAP, je veux qu’on m’annonce dans la même phrase le débit cardiaque.
La fraction d’éjection, la « cardiopathie ischémique » et la VCI abaissent facilement mon seuil épileptogène, je suis d’accord avec toi.
J’ai aussi abandonné le E/E’ après avoir constaté de multiples échecs de la technique et ne raisonne plus que sur le E/A voir sur la vitesse de l’onde E et la vitesse de l’onde A. En fait je suis de plus en plus méfiant envers les indices pour lesquels on divise un paramètre par un autre sans bien connaître les déterminants de l’un ou de l’autre, ni comment l’annulation par la division de déterminants communs peut rendre prépondérant des déterminants insoupçonnés.
Merci d’avoir corrigé mes propos sur l’estimation de la PAP, c’est plus clair comme ça.
Pour avoir passé le semestre dernier en Réa Cardiaque , je comprends bien l’objet de ton billet.
Je ne prétends pas m’y connaître en hémodynamique et en écho mais j’ai qques bases acquises « sur le tas » comme tu dis, en tant qu’interne, auprès des cardiologues et de mes recherches perso.
En effet, je trouve qu’on peut faire dire ce qu’on veut à un rapport d’ETT , c’est très subjectif. Selon comment on a pris les mesures, la fréquence cardiaque du moment, la position du patient, son état volémique, tout peut changer.
J’avais parfois du mal à comprendre comment on pouvait se baser sur des E/A et des E/E’ limites en « zone grise » pour prendre des décisions, parfois c’est de l’ordre du « pile ou face » : aller je lui balance 40 mg de Lasilix….ah bah finalement non fallait le remplir.
Pareil pour la VCI, à moins d’avoir des valeurs extrêmes avec une coupe correcte on peut difficilement se fier uniquement dessus.
Il faut se baser sur un faisceau d’arguments on m’a dit, mais bien souvent ces arguments sont contradictoires.
Pour l’ETT à tout bout-de-champ, en effet car rassure parce que c’est « l’examen miracle qui va tout nous dire » alors que souvent ca ne nous avance pas tellement que ça. C’est notamment rappelé dans la RFE SFAR sur le coronarien
Pour ce qui est des cardiopathies, moi je me base sur le MET. Si > 4, peut importe la cardiopathie, on peut etre confiant que ca va passer. (excepté les chirurgies tres lourdes, mais la l’ETT fait souvent partie du bilan préop du chirurgien)
Une autre chose qui manque souvent sur les rapports d’ETT c’est le diamètre du VD. Souvent on nous donne la PAPs qui même si elle est élevé, ne présage en rien du compotement du VD en perop. Si par contre elle est associée à une Dilat du VD = IVD donc attention car en tant qu’anesthésistes on est des « terroristes du VD ». Penser aussi à voir la coro car si lésion sur la coronaire droite , c’est la catastrophe.
On oublie trop souvent le VD, le VG est important mais en perop on a des moyens de le monitorer et d’adapter notre statégie ( PICCO, Doppler oesophagien), pour le VD on est vite limité ( a moins de mettre une Swan ou une ETO)
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Débat passionnant avec 3 remarques très générales 1 voir les gags sur les demandes d’echo justifie un formalisme strict :quelle question pourquoi 2 la multiplicité des résultats possibles impose une stratégie croissante le compliqué ne se justifiant que pour les discordances sevères rarement pour le périop 3 la rigueur technique est préalable quid si vous décaler votre curseur d’1 mm de 15 degrés
Le vd reste un trou noir en écho ok pour swan et eto quelles indications
La fiabilité d’une itv est souvent discutable reproductibilité et suivi je commence à rire les autres indices E et tout je demande le back to basic:que mesurez vous donc…