Externe, puis interne j’ai assisté à l’instauration des corticoïdes aux patients en choc septiques pour améliorer la réactivité de leurs vaisseaux aux amines vasopressives.
Djillalli Annane a consacré une partie de sa carrière à développer et à évaluer l’intérêt de ce traitement et un article dans le JAMA en 2002 a clairement enfoncé le clou : moins de mortalité en administrant de l’hémisuccinate d’hydrocortisone (HSHC) aux patients en choc septique. Ite missa est : HSHC pour les patients recevant de la noradrénaline !
Ensuite il y a eu de multiples débats sur le dosage du cortisol, sur la nécessité d’un test de stimulation avec l’ACTH, sur l’intérêt d’administer de la fludrocortisone avec l’HSHC, sur la possibilité d’administrer de l’HSHC à des patients moins graves (pneumonies)…
En 2008, l’étude CORTICUS est venue remettre en question cette pratique. Les investigateurs ne trouvaient pas d’amélioration de la mortalité. Ils constataient une amélioration de l’hémodynamique mais contrairement aux travaux de M Annane on trouvait ici un plus grand nombre de chocs septiques secondaires.
Aujourd’hui un nouvel article effrite tout un pan de la prise en charge des chocs septiques. Une analyse d’une base de données de 17 000 patients montrent une association entre le fait de recevoir de l’HSHC et la mortalité intrahospitalière.
Bref, on a l’impression que l’HSHC dans le choc septique est sérieusement remis en question malgré plusieurs études et un rationnel physiopathologique intéressant… Après l’insuline, la protéine C activée, l’HSHC est montrée du doigt.
J’ai prescrit des tas d’HSHC, en réa, en garde, aux urgences… Et je ne dois pas être le seul ! En faisant ça j’avais l’impression d’aider le patient à sortir de son état de choc et à être un bon petit soldat-médecin suivant bien les recommandations des Maîtres. La Science évolue constamment et il faut savoir brûler ce qu’on a adoré.
En prenant encore un peu plus de recul, j’ai l’impression qu’un cycle se boucle. Cela fait presque 10 ans que je m’intéresse aux patients entre la vie et la mort, mes Maîtres en réanimation m’ont donné le goût des soins intensifs et ça continue de me faire vibrer. Quand j’ai démarré mon internat, les « vieux » me disaient : « tu verras, il y a des modes, tu connaitras une chose et son contraire, faut que tu trouves ta voie, lis la littérature mais ne la prend pas pour argent comptant… » Voilà. On y est, j’ai compris.
P.S. dans les recommandations de la Surviving Sepsis Campaign 2012, on trouve encore une place pour l’HSHC… avec un grade très faible… les experts reculent « prudemment »… (conflit d’intérêt académique de certains auteurs ???)
5 réponses sur « HSHC à la poubelle dans le choc septique ? »
Je ne suis pas d’accord avec toi sur le coté « petit soldat obéissant aux recommandations ». Je pense que tu appliquais les conclusions de ce que la science considérait comme vrai à ce moment-là. Donc que tu proposais ce qu’il y avait de mieux. Aurais-tu pu faire l’inverse, c’est à dire décider de ne pas donner d’HSHC, en sachant qu’il était démontré que ça sauvait des vies? Je ne pense pas, ça n’aurait pas été éthique.
Il se trouve que la science change d’avis. C’est chiant je trouve (on a le même problème avec les thrombophilies constitutionnelles actuellement), mais c’est aussi positif, dans le sens où ça peut témoigner du fait que les études gagnent en qualité, et donc que la réalité scientifique se rapproche de la vérité.
Reste une question angoissante: jusqu’à quel point les études sont bien faites…
par ces mots je voulais dire que dans l’ambiance « universitaire » on tire une certaine fierté à rapidement assimiler les recommandations et à les appliquer, c’est couillon, surtout avec le recul qu’on a aujourd’hui. Aujourd’hui je suis beaucoup plus souple vis à vis de l’EBM et d’une certaine application trop stricte/rapide/sans réflexion
Bien sûr qu’on se doit d’agir en conformité avec ce que l’on pense être le mieux. Mais la verticalité des recommandations est parfois « brutale »…
Va quand même falloir refaire la biblio d’Asterix… Par Itea missea es, entendais-tu Ite missa est ?
Sinon, pour l’HSHC, j’en ai encore mis hier avec un résultat plutôt bon ce jour, ouf ! Mais il faudra se poser sérieusement la question désormais! C’est le « petit » Djillali qui doit être déçu ! Ce n’est pas si grave, si l’on considère que cela a bien porté sa carrière jusqu’au poste de Conseiller pour l’enseignement médical et la recherche au cabinet de Marisol… xD
Par ailleurs, bienvenue dans le monde des vieux ^^ Fluctuat nec mergitur
je paye mes choix d’option au collège ! ouch !
Pour l’HSHC la SSC insiste (encore plus qu’avant) sur le fait d’en mettre chez les patients où on monte vite la noradré sans amélioration de l’hémodynamique.
Après toutes les études étaient concordante sur le fait que l’HSHC améliorait l’hémodynamique mais si c’est au prix d’un nouveau sepsis durant l’hospit… bof hein…
En fait, on en revient éternellement au fait qu’il faut toujours prendre du recul. Une étude, c’est bien beau, mais ses résultats (si tant est qu’ils soient recevables) ne s’appliquent qu’à la population qu’elle étudie.
Et c’est peut-être ça, la médecine. Pas lire des radios, pas prescrire des médicaments, pas prescrire des bilans pré-thérapeutiques ou disséquer un appendice, pas poser une paire de canules d’ECMO ou mesurer des pressions de remplissages à l’échographie. Toutes ces choses peuvent être assimilées rapidement par un quidam et ne nécessitent pas forcément les 10 ans d’études que l’on nous offre/impose (selon les points de vue…).
C’est donc peut-être ça, la médecine. Prendre du recul, mêler la physiopathologie, l’EBM et l’expérience pour pouvoir lire entre les lignes des papiers et des recommandations lorsque l’on est devant notre malade : savoir s’adapter, savoir ne pas être un bon soldat.
(enfin ce que j’en dis… je n’en suis qu’au début de la partie, ma vision des choses aura probablement l’occasion de changer une bonne dizaine de fois, voire plus !)