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In the trap !

La semaine dernière j’avais mollement twitté que j’avais péché pour manger un bout de gâteau. Retour sur les faits.

Je suis d’astreinte, je ne veux pas y aller, le boulot est fait et je m’apprête à manger tranquillement. On me tire par la manche pour assister au topo sur la nutrition artificielle d’un labo. Super :-/ ! Le truc dont je m’occupe ici tous les jours, forcément je vais apprendre un tas de trucs… non merci les gars ! Je jette un oeil dans la salle : deux VM, un interne, un collègue effrayé d’être seul qui bat le rappel des troupes avec son téléphone… Pris de pitié pour ces gens qui se déplacent, sur invitation d’un patron quin’est pas là, motivés par la demande d’un interne qui voulait plus d’info (hey mec c’est pas comme si tu me voyais tous les jours hein ?!! pfff) mais qui n’était pas là… Vous voyez le tableau je suis au grand maximum de ma motivation.

Evidemment le topo était naze et là j’ai vraiment eu un très grand sentiment de perte de temps, mauvais feeling démultiplié par une nourriture probablement riche en acides gras trans saturés et tout et le clou est enfoncé par la culpabilité de jouer le jeu des labos… Jeu des labos fortement décrié dans la blogosphère médicale.

Parenthèse. Il a quelques spécificités notre petit monde virtuel. Les blogueurs semblent constituer un groupe qui -au moins statistiquement- diffère de l’échantillon de médecins pris au hasard dans la population. L’Internet, la liberté, les échanges intellectuels… j’ai le sentiment qu’il existe un noyau de valeurs communes. Je vais même plus loin, j’ose écrire qu’il existe un certain perfectionnisme. Cette attitude joue des tours et  semble plaire beaucoup au docteurdu16 (je rajoute de suite un lien dans la blogroll tiens 😉 ) Je ferme rapidement la parenthèse, tout ça pour dire que ce perfectionnisme peut aussi générer dela culpabilité, et le serpent se mord la queue : pourquoi diable ai-je assisté à ce topo?

Alors sur le coup, je me suis dit qu’il fallait que je raconte cette anecdote, que je m’en serve pour écrire que dans la vie hospitalière, on peut aussi « subir » avec une volonté un peu molle le jeu des VM et qu’un peu de compassion jouait parfois pour les accueillir… je voulais me dédouaner un petit peu pour gommer ma culpabilité. Tout ça était resté coincé dans un coin de ma tête jusqu’au billet de maduixxa sur les visiteurs médicaux et l’excellente réponse de dzb17. J’ai refait le film de mes rencontres avec les VM au fil de mes études, de mon internat et de mon clinicat et je suis dit que je m’étais fait grossièrement piégé. L’envie m’a prise de partager ça avec vous, notamment les plus jeunes, pour tempérer la naïveté, surtout quand elle est revendiquée…

Assez tôt, je me suis intéressé à la nutrition artificielle. C’est un projet de thèse avorté qui m’a lancé sur la route. Le thème me plaisait, pas grand monde s’en occupait, le champ semblait libre pour la discussion, la recherche et le développement des pratiques. Vers le troisième semestre un labo m’a proposé de m’expédier à une formation orchestrée par leur boîte dans un joli hôtel de Barcelone. Troisième semestre, les yeux brillent, je saute au plafond et j’accepte ! Comme je n’y connaissais pas grand chose je suis heureux d’apprendre pleins de trucs, de pouvoir poser des questions aux champions de la discipline et de progresser. De fil en aiguille, j’ai continué à m’y intéresser et durant mon clinicat on m’a « flêché » comme aime bien dire les décideurs : j’étais devenu l’anesthésiste « spécialiste » de la nutrition artificielle : à moi la gloire !

La nutrition artificielle est un domaine très concurrentielle parce que les produits se ressemblent tous et qu’il n’existe pas à mon sens d’argument fort dans la littérature médicale pour préférer un produit plutôt qu’un autre. Que ça soit en parentérale ou entérale, les industriels rivalisent de vraies-fausses innovations pour convaincre les prescripteurs. J’ai ainsi pu multiplier les visites d’usines, de sièges, participer à des congrès internationaux, des formations dédiées aux produits des labos, etc.

Je suis vendu !

Et aujourd’hui je pense qu’il existe des moments où je prescris avec tout ça en tête. Parfois la littérature médicale ne donne pas d’argument pour trancher. Et pour administrer tel ou tel produit et je pense que mon crayon a basculé pour l’un ou parfois pour l’autre selon mes humeurs. Je ne pense sincèrement pas que le patient en pâtisse. Mais je sais que ces situations ont existé. Pourtant j’ai fait comme tous les médecins mes x années de formation (11 en l’occurrence), pourtant j’ai accumulé les D.U. et je me laisse quand même influencer. Et oui ! C’est pourquoi je pense que mes collègues (libéraux) ont raison de ne pas laisser le loup rentrer dans la bergerie (pas le temps).

Je pourrais aussi multiplier les exemples des VM qui deviennent les confidents de tel ou tel toubib, de ceux qui colportent les ragots d’un hôpital à un autre, de ceux qui prêchent le faux pour savoir le vrai, de ceux qui énervent tellement qu’on prescrit le concurrent… il y en a pour tous les goûts !

Et maintenant les labos deviennent encore plus fins. Un grand labo européen qui prend part à de l’activité sur plusieurs domaines médico-chirs a bien compris que le blabla standard sur leur produit était dépassé. Alors il multiplie les plans de bataille pour accéder au cerveau du docteur. Ainsi ce labo a créé un groupe de jeunes médecins bien ciblés (genre chefs de clinique flêchés 😉 ) et propose des topos variés et intéressants sur des thèmes éclectiques : droit et santé, lien industrie-médecin, management, médecine et NTIC, éthique etindustrie, etc. J’y ai également participé, j’ai vraiment le sentiment d’avoir appris des choses. Mais comme toujours ils ont réussi ! En recevant quelque chose tout à chacun se sent endetté, du petit stylo au grand voyage tous les cadeaux (même intellectuels) créent du lien de dépendance. Certains patrons l’ont bien compris et ont également compris qu’ils ne pouvaient pas se passer de l’Industrie et tirent peut être un peu mieux leur épingle du jeu avec des miroirs, des écrans : les associations pour promouvoir la recherche. Les cadeaux des labos permettent alors aux internes de recevoir des bourses pour des master 2 ou de payer le voyage vers un congrès… c’est peut être un peu mieux mais le fond reste le même…

Il y a encore beaucoup beaucoup à dire… les anecdotes sont légions et les commentaires du billet de maduixxa le prouvent…

Pour moi c’est décidé, demain j’arrête.

4 réponses sur « In the trap ! »

Tu choisis en fonction de tes connaissances actualisées – ou pas- suite au passage du VM, la lecture de Prescrire, le dernier tweet de Duchmol qui a eu un AVC après avoir prescrit du Uvedose…
Si tu préfères sous-traiter le choix au pharmacien – c’est son métier, il a dû lire le tweet sur l’Uvedose donc…- , tu laisses à un autre la liberté de délivrer en fonction… des remises arrières que tel générique lui offre qui sont + grosses qu’un autre. 
Mais, tu gardes l’impression d’être impartial, c’est sympa, ça permet de donner des leçons sur le Net. Bon, tu y perds des stylos, des petits fours, des voyages de formation à Avoriaz… et le client qui ira voir ailleurs/clamsera parce que sa T4 générique rapporte gros à l’apothicaire  mais ne vaut pas tripette.
Difficile de choisir quand on ne maîtrise pas toutes les données…

Bonjour,

J’avoue avoir du lire à plusieurs reprises ce commentaires dont je n’ai pas saisi l’intégralité…

Non on ne maîtrise pas tout et l’exemple de la pharmacie vaut aussi à l’hôpital. Les pharmas qui ont décidé le marché national UNIHA des poches de nutrition parentérale ont du faire face à un sacré casse tête médico-juridico-économique… Mais aujourd’hui entre deux poches qui apportent à peu près les mêmes calories je choisis la moins chère. Mais quand le patient sort un peu du cadre habituel et que les fantasmes de bien faire se mettent en marche parfois le choix se porte sur des produits un peu plus chers pour lesquels le niveau de preuve n’est pas implacable mais reste recommandé par la société savante… Pas facile…

Et comment la société qui proposent les poches de nutrition les moins chères s’est elle imposée ? À t elle regonfler les prix d’autres produits ailleurs dans le catalogue ?

J’ai appris des trucs mais aujourd’hui je m’en mords les doigts car je sais ma décision polluée…

Bref. Je prends conscience que l’auto-Info est difficile, que les congrès sont pollués comme tout (MacCain au congrès de la société française de nutrition c’était le top) et que vraiment on n’a pas besoin de perdre du temps à écouter des salades…

Au final c’est Jaddo qui a la bonne solution pour dire non, je vous laisse aller la découvrir !

Bonjour,

J’avoue avoir du lire à plusieurs reprises ce commentaires dont je n’ai pas saisi l’intégralité…

Non on ne maîtrise pas tout et l’exemple de la pharmacie vaut aussi à l’hôpital. Les pharmas qui ont décidé le marché national UNIHA des poches de nutrition parentérale ont du faire face à un sacré casse tête médico-juridico-économique… Mais aujourd’hui entre deux poches qui apportent à peu près les mêmes calories je choisis la moins chère. Mais quand le patient sort un peu du cadre habituel et que les fantasmes de bien faire se mettent en marche parfois le choix se porte sur des produits un peu plus chers pour lesquels le niveau de preuve n’est pas implacable mais reste recommandé par la société savante… Pas facile…Et comment la société qui proposent les poches de nutrition les moins chères s’est elle imposée ? À t elle regonfler les prix d’autres produits ailleurs dans le catalogue ?J’ai appris des trucs mais aujourd’hui je m’en mords les doigts car je sais ma décision polluée…

Bref. Je prends conscience que l’auto-Info est difficile, que les congrès sont pollués comme tout (MacCain au congrès de la société française de nutrition c’était le top) et que vraiment on n’a pas besoin de perdre du temps à écouter des salades…

Au final c’est Jaddo qui a la bonne solution pour dire non, je vous laisse aller la découvrir ! http://www.jaddo.fr/2008/10/22/chastete/

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