La nutrition parentérale apporte aujourd’hui les trois classes de macronutriments : glucides, acides aminés et lipides. Cela n’a pas toujours été le cas. Les émulsions lipidiques constituent une véritable innovation pharmacologique pour les patients bénéficiant d’une nutrition parentérale. L’Intralipide fut la première émulsion lipidique commercialisée au début des années 1960. L’apport de lipides a permis de prévenir les carences en acides gras essentiels et de diminuer les apports glucidiques majeurs qui dépassaient finalement les capacités d’oxydation de l’organisme, aboutissant à la stéatose hépatique.
Les émulsions lipidiques sont une innovation pharmacologique dans le sens où il n’était pas évident de synthétiser des micelles lipidiques microscopiques, stables sur le plan physico-chimique et tolérables pour l’organisme.
L’huile de soja est l’huile de référence utilisée dans l’Intralipide. Les émulsions d’huile de coton ont été écartées du fait d’une très mauvaise tolérance. Par la suite, au milieu des années 1980, les industriels ont développé de nouvelles émulsions, associant de l’huile de coco apportant des triglycérides à chaîne moyenne : le Medialipide. Ensuite, un autre laboratoire a développé une émulsion basée sur l’huile d’olive : le ClinOleic, argumentant essentiellement sur la meilleure tolérance au long cours de l’émulsion.
Quels sont les avantages de ces émulsions de seconde génération ?
Les avantages théoriques des triglycérides à chaîne moyenne sont les suivants :
- béta-oxydation facilitée du fait du plus grande affinitée pour la lipoprotéine lipase et d’un passage transmembranaire mitochondrial indépendant du transport par la carnitine.
- pas d’implication dans la synthèse de l’acide arachidonique donc neutralité sur les prostaglandines
- toxicité hépatique moindre mais les études cliniques sont contradictoires.
- pas d’accumulation dans le système réticulaire endothélial pouvant pertuber l’immunité
- Probablement une influence moindre sur le rapport ventilation/perfusion que les émulsions composées uniquement de TCL comme l’Intralipide.
Les avantages théoriques de l’émulsion riche en huile d’olive sont essentiellement liés à la diminution de la quantité d’huile de soja, riche en acides gras polyinsaturés de la ligne n-6. Ce concept sera prolongé avec les émulsions de troisième génération qui en panachant différentes émulsions lipidiques diminuent les effets indésirables des excès de triglycérides à chaîne longue. Cette évolution passe surtout par l’adjonction d’huile de poisson. Les deux nouvelles émulsions sont le Lipoplus et le SMOFLipid. Le premier contient un mélange de TCM et de TCL et 10% d’huile de poisson. Le SMOFLipid est un mélange d’huile de soja, de TCM, d’huile d’olive et d’huile de poisson selon une répartition 30%/30%/25%/15%. Les huiles de poissons sont également disponible en émulsion séparée sous la dénomination commerciale d’Omegaven avec une littérature orientée sur l’amélioration de l’oxygénation des patients en SDRA.
Les huiles de poissons ont pour avantage essentiels de moduler l’inflammation en orientant la synthèse des prostaglandines vers des dérivés plutôt anti-inflammatoires.
La littérature médicale sur ces nouvelles émulsions est balbutiante. Il existe notamment des arguments en pédiatrie démontrant la très bonne tolérance hépatique des huiles de poissons ; ce qui peut être particulièrement intéressant pour ces jeunes patients souffrance souvent d’un grêle court. Il commence à exister quelques arguments pour une utilisation en périopératoire de chirurgie lourde sans conséquence néfaste sur la coagulation.
4 réponses sur « Les émulsions lipidiques »
« béta-oxydation facilitée du fait du plus grande affinitée pour la lipoprotéine lipase et d’un passage transmembranaire mitochondrial indépendant du transport par la carnitine » : c’est la méga classe, cette phrase. On dirait du Bourdieu.
Sinon en français, une émulsion lipidique, c’est de la mayonnaise, c’est ça ?
j’ai kiffé en l’écrivant effectivement, ça m’amuse bcp que tu lises ces textes ci… et oui la mayonnaise est une émulsion, mais on se rend mieux compte de la difficulté de maintenir une émulsion stable, sans coalescence, floculation ou sédimentation en regardant une vinaigrette avec le balsamique qui a une grande tendance à reformer ses petites billes noires… dans la veine c’est le même défi, gros risque de méga boulettes de gras qui boucheraient les vaisseaux et s’entasseraient dans les camions-poubelles (les macrophages de Il était une fois la vie) C’est d’ailleurs à cause des émulsions lipidiques que l’on a décrit le syndrome d’activation macrophagique en pédiatrie.
« dans la veine c’est le même défi » : le principal défi dans la veine, c’est éviter le plexi et l’empilage.
Et c’est vrai que c’est chiant le balsamique. Tu crois que si on lui crie « C’EST UN LUPUS » il flippe et renonce à se reformer en billes noires ?
euh, faut pas rester ici Monsieur, merci.
PS j’ai navigué de lien en lien sur vos blogs d’éco/journalistes/parisiens hier. J’ai eu mal à la tête. (mais j’ai bien aimé la backward induction)