La météo annonçait une météo difficile. On a eu une météo difficile. J’ai l’impression que la pluie a délavé mes souvenirs et mes humeurs. J’extirpe quelques souvenirs de la brume :
Arrivée sur la ligne de départ sous une pluie battante. Le Mont Ventoux est vert. Inhabituellement vert, ça promet des glissades. On entend quelques coups de tonnerre, la crainte de ne pas pouvoir utiliser les bâtons monte. Tout le monde se réfugie à droite à gauche en attendant le top-départ. 8h30, let’s go ! le besoin de se réchauffer impose un rythme aux guiboles. On passe en quelques minute du froid au chaud, emmitouflé comme on l’est tous le risque de finir trempé de sueur dans nos fringues est grand. Du coup tout le monde cogite : je garde cette couche, j’enlève celle-ci ?
Le peloton s’étire assez vite. Les chemins se rétrécissent pour former un « single track » serpentant dans la montagne. Je retire le pantalon de pluie, les jambes sont réchauffées, la forêt nous protège un peu. La pente est abrupte mais je me sens bien, je suis content d’être là. Je souris, j’aime crapahuter.
On aboutit sur un chemin forestier. On croise un coureurs du 100 km parti 3h avant nous. Il a déjà 30+ km dans les jambes quand nous en avons à peine 10. Le vent nous glace. Le premier ravito pointe le bout de son nez. Remplissage de gourde. Mes mains sont cyanosées. Je me retourne, damned ! mes coéquipiers ont déjà filé, ils doivent penser que je suis devant ! J’accélère le rythme dans ce long faux plat bordé de neige et de glace. Je les rattrape. Ouf.
Mes mains collent à mes bâtons glacés, la crispation est garantie. Heureusement on aborde la descente, une belle route, on lache les chevaux, yalla ! ça fait du bien de dérouler la foulée. A la sortie du premier virage on est accueilli par un brouillard et un vent d’enfer. On progresse courbé, avec la crainte de louper une balise, on ne voit pas à dix mètres. On passe la station du Mont Serein. Un nouveau ravito nous accueille, un peu proche du précédent. Le shunt du sommet du Ventoux y est pour quelque chose. On rattaque vite pour ne pas se refroidir. Mon pote Y. a des jambes de feux, il galope dans la descente, je me fais un peu distancer mais je reste surtout concentré pour ne pas me casser la figure. Je cours à petites foulées bondissantes. Pour moi l’analogie avec certaines descentes techniques en ski est évidente, j’ai les mêmes sensations. J’aime.
Virage aigü. On bascule dans une ravine. Faut descendre la flotte et la boue. Deuil de ma santé podologique. A l’attaque. Je croise deux coureurs du 100 km qui ont malheureusement loupé leur bifurcation. Il remonte le sentier dégoulinant. Dur pour leur moral. Encouragements. Les buissons grignotent le passage, les bâtons aide à se frayer une direction comme un descendeur de slalom. Un chemin large termine la descente sur plusieurs kilomètres, c’est l’occasion d’accélérer et de rattraper les copains. On galope. On trottine. On marche pour reprendre des forces. Nouveau ravito. Changement de chemin, cette variété est agréable. On finit par arriver à Malaucène en bon état. Humide mais avec un bon moral, sans bobo.
Ensuite ça se corse. Le froid grignote petit à petit mes forces. L’enthousiasme se casse la gueule.
On rentre dans le dur. Les jambes se soulèvent moins et il faut continuer de grimper dans la boue et le vent. Je regarde ma montre un peu trop souvent, signe que j’ai hâte que ça termine… Je prends froid dans la dernière vraie montée. Je me rééquipe plus chaudement, le buff sur le nez, le pantalon sur les jambes. Dernier sommet. Descente difficile dans des rochers. Le dernier ravito et son thé chaud font du bien au moral. Les derniers kilomètres sont longs, on marche beaucoup, on trottine un peu. Moins de pluie sur la fin, ça fait du bien. Gigondas apparaît. La route, le goudron des derniers hectomètres achèvent les genoux mais le bonheur d’en finir est là.
Ca fait plaisir d’en terminer en moins de neuf heures. Les villageois nous applaudissent, ça fait du bien. On termine en petit groupe comme on a couru toute la course, c’était chouette de s’aider les uns les autres au fil des difficultés. Arrivé en 8h50 environ, dossard rendu. Merci l’orga, c’était bien ! Allez au chaud !
P.S. cette course m’est apparu difficile pour le moral à cause de la météo mais je pense que son tracé était beaucoup plus roulant (et plus facile) que le Trail des Aiguilles Rouges. Les paysages et les chemins étaient plus variés et je conseille vraiment fortement cette course peu connue (à ne pas confondre avec le Trail du Ventoux) à tous les amoureux du trail !
P.P.S #PointMatos : j’ai couru avec les chaussettes Sealskinz censées lutter contre le froid et l’humidité. Le fabricant revendique l’aspect waterproof grâce à la laine de Merinos (alors qu’en faite il y a surtout une pellicule de plastique enchassée dans la laine). J’ai clairement eu les pieds trempés en peu de temps. En plus elles se sont trouées à la fin de la course alors que je les ai très peu utilisées. Alors en rando avec des chaussures Gore-tex elles apportent peut-être un plus, mais en trail vous pouvez clairement les oublier.
2 réponses sur « Le Grand Raid Dentelles Ventoux 2013 »
[…] Elles n’ont clairement pas tenu leur promesse en matière de lutte contre l’humidité. Cf le compte-rendu du Raid Dentelles Ventoux. […]
[…] pour moi l’effort physique le plus intense que j’ai pu faire dans ma vie. Le trail autour du Mont Ventoux et des Dentelles a également été une expérience forte pour consolider le moral et tester le […]